Rapport du défenseur des droits sur la dématérialisation des services publics : « La CGT n’est pas seule à dénoncer cette politique ! »

Depuis des années, la CGT Pôle Emploi dénonce la dématérialisation à outrance des services de Pôle Emploi à destination des privés d’emploi, mais aussi celle que subissent les usagers de tous les services publics et des organismes de la protection sociale.

Le rapport 2022 du défenseur des droits confirme notre position. Le rapport complet est disponible en ligne : Rapport défenseur des droits

  • En s’appuyant sur les nombreuses saisines portées à son attention, le Défenseur des droits observait cependant comment, en imposant la contrainte technologique du numérique à celles et ceux qui ne sont pas rompus au maniement de l’outil informatique, qui n’ont pas accès à un équipement adéquat, qui ne disposent pas d’un accès au haut débit, qui ne peuvent maîtriser seuls la complexité des procédures ou du langage administratif, la numérisation de l’administration pouvait contribuer à éloigner de nombreux usagers de leurs droits.
  • Il est surtout proposé de renverser la perspective, et d’offrir aux usagers la possibilité de choisir réellement leurs modes d’interaction avec les administrations afin que le service public s’adapte aux besoins et aux réalités des usagers et non l’inverse. Il s’agit là de revenir aux fondements du service public et de revitaliser ses grands principes que sont la continuité, l’égalité et l’adaptabilité. La dématérialisation des procédures administratives s’inscrirait ainsi comme une offre supplémentaire et non substitutive au guichet, au courrier papier ou au téléphone. Ce serait d’ailleurs la marque d’une confiance réelle dans les gains qu’elle peut apporter pour améliorer l’accès de tous et de toutes aux droits. Elle permettrait de penser l’organisation du service public non pas à partir des attentes et des priorités des administrations, mais à partir de la situation réelle des gens, qui doit être reconnue et prise en compte, dans toute sa complexité.
  • Ce transfert de charge s’accompagne enfin d’une responsabilité nouvelle qui pèse sur l’usager : il doit être capable de faire tout cela, avec aisance, sans se tromper, en prenant les initiatives nécessaires pour y arriver. Le processus de dématérialisation semble reposer implicitement sur une conception spécifique de ce que doit être l’usager aujourd’hui, à l’ère du numérique : un acteur parfaitement autonome, qui ne mobilise pas les ressources administratives. Il s’agit là d’un usager idéal, vers lequel tous les usagers devraient tendre. Et pour ceux qui n’y arrivent pas, la dématérialisation forcée est une forme de maltraitance institutionnelle. La priorité donnée à l’inclusion numérique repose sur le présupposé qu’il est possible de « produire » un usager « conforme » au service public tel qu’il se transforme. Autrement dit, le problème à résoudre se situe du côté de l’usager qui n’est pas en mesure de réaliser lui-même ses démarches dématérialisées. L’enjeu est dès lors de convaincre et d’aider les usagers « réfractaires » à cette évolution, et notamment les personnes en situation de précarité. Pourtant, elles ne sont pas les seules à être en difficulté. On postule ainsi « qu’ils doivent savoir faire», et que bientôt « ils sauront faire ».
  • Des fractures numériques qui ne sont pas résorbées : Une part importante de la population n’a pas recours aux procédures en ligne, et parmi celles et ceux qui y ont recours, 13 % sont en difficulté pour y arriver seuls. Il n’existe pas de chiffre global et incontesté quant au nombre de personnes « exclues » d’un accès à l’administration par le numérique, mais selon le baromètre numérique Arcep/Credoc 202144, une personne sur 10 n’a pas d’accès à internet, et 35 % de la population rencontre, à un titre ou un autre, des difficultés pour utiliser les outils numériques. L’illectronisme n’apparaît donc pas seulement comme le prolongement de l’illettrisme, en tant qu’incapacité, par manque de compétences, à déchiffrer un langage. La notion renvoie à une double dimension de compétences et d’usages, ce qui explique le nombre important de personnes qui en sont victimes. Il en est ressorti clairement le besoin d’une nouvelle instruction de base : savoir lire, écrire, compter… et naviguer.

Le défenseur des droits recommande :

  1. Laisser à chaque usager le choix de son mode de relation avec l’administration : guichet, courrier postal, téléphone et service en ligne. L’usager doit pouvoir choisir le mode de communication le plus approprié lorsqu’il échange avec l’administration. Dans cette perspective, les guichets ne seraient pas réservés à une catégorie de personnes considérées comme « incapables » de faire seules leurs démarches. L’accueil physique devrait faire l’objet d’investissements profitant à tous les usagers, dans leur diversité.
  2. Ne pas enfermer l’usager dans une relation exclusivement numérique. L’usager doit également pouvoir changer d’avis ou adapter son mode de relation avec l’administration à ses capacités du moment. Il doit donc pouvoir refuser à tout moment et par tout moyen le recours au procédé électronique pour la réalisation ou la poursuite d’une démarche administrative. Le consentement aux échanges dématérialisés doit être réversible, mais également compris et expressément admis par l’usager.
  3. Ne pas faire porter aux usagers la responsabilité des erreurs ou des dysfonctionnements des sites publics. Même consentie, cette relation dématérialisée entre l’administration et l’usager ne sera véritablement équilibrée que si l’erreur commise par ce dernier ne donne pas lieu à sanction, et ouvre un droit à une régularisation. Les usagers ne doivent pas être tenus pour responsables a priori des erreurs dans le remplissage en ligne des dossiers ou des dysfonctionnements des services numériques en ligne.

« En France, les services publics jouent un rôle essentiel : ils conditionnent l’accès aux droits, entretiennent le lien social et relient chacune et chacun à l’État. Ils sont tenus de garantir l’égalité des usagers, d’assurer une continuité d’action et de s’adapter aux besoins de ceux-ci. »

Nous interpellerons par conséquent la Direction Générale afin qu’elle mette en œuvre les préconisations du défenseur des droits.

Des deux côtés du guichet : Exigeons un vrai service public de l’emploi !

Stop à la dématérialisation de nos missions.

Lire le Communiqué CGT – Rapport défenseur des droits

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